Notice bio-bibliographique
MORELOT (STEPHEN), prêtre, né à Dijon (Côte-d'Or), le 12 janvier 1820, est fils d'un savant jurisconsulte qui remplit encore (1863) les fonctions de doyen de la faculté de droit de cette ville. Après avoir été reçu licencié en droit et avocat, M. Morelot se rendit à Paris et y devint élève de l'École des Chartes ; puis il fut un des fondateurs et membre de la société académique formée par les anciens élèves de cette école, à qui l'on doit la publication de mémoire remplis d'intérêt et remarquables par un excellent esprit de critique ainsi que par une solide érudition. M. Morelot avait fait dans sa jeunesse des études de musique dont il a fait plus tard une application spéciale au chant ecclésiastique, ainsi qu'aux diverses parties de l'art qui s'y rapportent. Lié d'amitié avec M. Danjon (voyez ce nom), alors organiste de la métropole de Paris, il prit part à la rédaction de la Revue de la musique religieuse, populaire et classique, que celui fonda en 1845, et y publia de très-bons articles critiques et historiques. En 1847, M. Danjon fut chargé par M. de Salvandy, alors ministre de l'instruction publique, de faire un voyage en Italie pour y faire des recherches relatives au chant ecclésiastique et à la musique religieuse ; il obtint de M. Morelot qu'il voulût bien l'accompagner dans cette excursion archéologique. Ce fut en réalité une bonne fortune pour les musiciens érudits, car M. Morelot déploya pendant son séjour en Italie une prodigieuse activité de travail et fit preuve de grandes connaissances dans la diplomatique, par la facilité avec laquelle il lut un grand nombre de traités de musique inédits, distingua ceux qui étaient les plus dignes d'attention, et les copia avec une rapidité qui tient du prodige ; prenant d'ailleurs, sur tous les autres, des notes et des analyses, c'est ainsi qu'il explora les bibliothèques de Rome, de Florence, de La Cava, de Ferrare, de Venise, de Milan et autres lieux riches en monuments littéraires. Cet immense travail, achevé dans moins d'une année avec M. Danjon, a paru en partie dans l'Histoire de l'harmonie au Moyen Age de M. de Coussemaker, dont il est la portion la plus intéressante. De retour à Paris, M. Morelot fut nommé membre de la commission des arts et des édifices religieux au ministère des cultes (1848), et chargé en cette qualité de plusieurs réceptions d'orgues de cathêdrales. Cette commission cessa de fonctionner après 1852.
Retiré à Dijon vers cette époque, M. Morelot continua de s'y occuper de la musique dans son application religieuse, ainsi qu'au point de vue historique et archéologique. En 1858, il se rendit à Rome, s'y livra à des études théologiques, fut ordonné prêtre en 1860 et reçu bachelier en droit canonique. Dans la méme année, il fut agrégé à l'Académie et congrégation pontificale de Sainte-Cécile, en qualité de maître honoraire de la classe des compositeurs. Après avoir fait, vers la fin de la même année et au commencement de 1861, un voyage en Orient, il est rentré en France. Si je suis bien informé, M. l'abbé Morelot habite maintenant dans le département du Jura.
Parmi ses publications, on remarque :
- 1° Du vandalisme musical dans les églises, lettre à M. le comte de Montalembert (Revue de la musique religieuse, t. I).
- — 2° Quelques observations sur la psalmodie (ibid.).
- — 3° Sainte-Cécile (ibid.)
- — 4° Artistes contemporains. A. P. F. Boëlg (ibid., t. II).
- — 5° Du chant de l'Eglise gallicane (ibid., t. III).
- — 6° De la solmisation (ibid. ).
- — 7° Du chant ambrosien (ibid., t. IV). Ce dernier morceau, fruit de recherches faites à Milan et au Dôme, est d'une haute valeur, nonobstant le dénuement de livres où se trouvait l'auteur au en moment du travail auquel il se livrait. Au double point de vue de la liturgie et de la constitution du chant, il est également satisfaisant. M. Morelot y dissipe beaucoup d'erreurs au sujet de ce chant, sur lequel on n'avait que des renseignements vagues. Désormais, lorsqu'on voudra s'occuper des origines et des variétés du chant ecclésiastique, il faudra recourir à cette source.
- — 8° Du caractère de la musique d'orgue et des qualités de l'organiste, Lettres (au nombre de quatre) à un homme d'église (dans le Journal de musique religieuse intitulé La Maîtrise, 1e et 2e année 1857-1838).
- — 9° Sainte Cécile et son patronage dans la musique (ibid., 1e année).
- — 10° Manuel de Psalmodie en faux-bourdons à 4 voix, disposé dans un ordre nouveau, clair et facile ; Avignon, Seguin, 1855, in-8° obi. M. d'Orligue, dans un court compte-rendu, inséré dans la Maîtrise (1e année, col. 79), déclare ne pouvoir admettre l'harmonie des faux-bourdons de M. Morelot, parce qu'elle n'est pas conforme à la constitution de la tonalité ecclésiastique, telles que lui et Niedermayer l'ont comprise et exposée dans leur Traité de l'accompagnement du plain-chant ; mais c'est précisément ce système de tonalité et d'accompagnement qui est erroné, inadmissible et repoussé de toutes parts. Sans parler de la disposition nouvelle et très ingénieuse de la psalmodie imaginée par M. Morelot, je n'ai, moi, que des éloges à donner à son système d'harmonisation, dicté par un très bon sentiment tonal.
- — 11° De la musique au quinzième siècle. Notices sur un manuscrit de la Bibliothèque de Dijon; Paris, V. Didron et Blanchet, 1856, gr. in 4° de 28 pages avec un appendice de 24 pages de musique, dans les quelles M. Morelot a traduit en notation moderne et en partition plusieurs motets et chansons de Dunstaple ou Dunstable, de Binchois, et de Hayne (voyez ces noms). Cette notice fut écrite pour être insérée dans les Mémoires de la commission archéologique de la Côte-d'Or, dont l'auteur est membre : on n'en a fait qu'un petit nombre de tirés à part. Le précieux manuscrit qui y est analysé provient de la bibliothèque des ducs de Bourgogne, et a été séparé, par des circonstances ignorées, de la riche collection placée dans la bibliothèque royale de Belgique. Comme tout ce que produit la plume M. Morelot, son travail a le mérite de la clarté ainsi que celui de l'érudition. Les aperçus qu'il y hasarde sur plusieurs points d'histoire de la musique sont d'une justesse parfaite, et ses traductions de la notation difficile du quinzième siècle en notation moderne sont irréprochables.
- — 12° Le dernier ouvrage publié jusqu'à ce jour par M. l'abbé Morelot a pour titre : Éléments d'harmonie appliqués à l'accompagnement du plain-chant, d'après les traditions des anciennes écoles ; Paris, P. Lethielleux, 1861, un vol. gr. in-8° de 196 pages. — De tous les ouvrages publiés en France sur le même sujet, vers la même époque celui-ci n'est pas seulement le meilleur, car c'est le seul qui, sans système préconçu, présente les vraies traditions des écoles et des temps où l'harmonie n'avait pour base que la tonalité du plain-chant. En composant son livre, M. l'abbé Morelot est entré dans la seule voie où le succès est possible. Les organistes catholiques ne peuvent faire de meilleure étude que celle de cet ouvrage, pour la partie de leurs fonctions qui consiste dans l'accompagnement du chant. Ils y trouveront, outre les principes et la pratique d'une harmonie pure et bien écrite, une source d'instruction profitable sur des sujets importants relatifs à leur art, ignorés malheureusement de la plupart d'entre eux, et qui sont présentés ici avec la méthode rationnelle et la lucidité par lesquelles les travaux de l'auteur se distinguent. Le livre de M. l'abbé Morelot est un service considérable rendu à la restauration de l'art religieux.
Stephen Morelot est né à Dijon le 1er décembre 1820 et mort à Beaumont le 10 juillet 1899.