La perquisition allemande (28 juillet 1943)

récit par Claude Renaud

Claude Renaud et sa femme ont été instituteurs à Sagy de 1933 à 1946. A l’époque de la perquisition, Mme Renaud était directrice de l’école de filles où ils habitaient avec leurs trois filles ; les logements voisins des deux autres institutrices étaient inoccupés en cette période de vacances. Ce récit a été écrit par mon père fin 1944 ; il est suivi d’un court complément. -- Anne-Claude Renaud.

Mercredi soir, 28 juillet 1943, vers 21 h 30, finissant de souper, ma femme, mes deux filles aînées et ma cousine Marie-Thérèse1 de Chalon en congé à Sagy, nous avons eu la visite de Mme Gauthier-Jacob, épicière, qui nous apportait un cadeau pour nous remercier de la réussite de sa fille Thérèse au D.E.P. J’ai allumé l’élec­tricité dans la salle et ai fait entrer Mme Gauthier dans la cuisine où nous finissions de souper. C’est moi qui suis allé lui ouvrir et je n’ai pas éteint la salle. Nous avons offert une chaise à Mme Gauthier.

A ce moment nous avons entendu frapper à la porte d’entrée. Je suis allé ouvrir en disant : « Entrez. » La porte s’est ouverte et un allemand en uniforme militaire est entré tenant un pistolet mitrailleur ou une mitraillette qu’il a braqué sur moi. Un deuxième allemand, en civil, portant un mousqueton, est entré, a fermé la porte derrière lui tout en me surveillant et me menaçant de son arme. Ce deuxième allemand m’a dit en un très bon français (avec un accent mâconnais ou lyonnais peu prononcé) :  « Gendarmerie allemande de Mâcon. Nous venons faire une perquisition. »

Il m’a ensuite demandé en pointant son index vers ma figure et en me regardant dans les yeux : « Avez-vous des armes ? » J’ai répondu : « Non. » Il m’a demandé ensuite :  « Avez-vous des tracts ? » J’ai répondu :  « Non. » Il a alors insisté en répétant sur un ton très menaçant : « Si vous avez des armes ou des tracts, dites-le tout de suite, autrement, si au cours de la perquisition que nous allons faire, nous découvrons quelque chose, ce sera très grave pour vous. » J’ai répondu : « Je n’ai ni armes ni tracts. » Il a repris : « C’est bon, nous verrons. » Ils ont parlé entre eux en allemand. Le civil m’a alors dit : « Allez vous habiller. » J’étais en chemise Lacoste, pantalon de palm beach et en chaussettes. J’ai dit à ma femme de m’apporter mon veston et des chaussures. Je suis allé me changer dans la chambre à coucher, suivi par le premier allemand en uniforme tandis que le deuxième allemand en civil restait vers la porte d’entrée et surveillait avec son mousqueton, ma femme, mes deux filles aînées (8 ans et 4 ans) et Mme Gauthier. Comme j’étais très légèrement habillé (il avait fait très chaud) et que j’avais à ce moment la certitude d’aller en camp de concentration pour plusieurs mois sinon pour plusieurs années, j’ai choisi une chemise épaisse et solide. Ma femme m’a apporté un veston. J’ai mis une cravate, je me suis peigné et j’ai enfilé le veston. Pendant ce temps, ma femme est allée chercher mes souliers dans une petite chambre servant de débarras. Elle en est sortie avec mes chaussures. A ce moment, elle n’a vu que le deuxième allemand en civil. Elle croyait à ce moment là que celui-ci était un policier français obligé de suivre les allemands. Elle escomptait de ce fait que malgré ses airs terribles du début, il nous serait favorable et qu’il passerait sous silence les faits et gestes que nous ferions pour nous débarrasser des objets compromettants qui étaient en notre possession. Sortant donc du débarras, elle s’en fut vers la bibliothèque, l’ouvrit et y prit des photos se rapportant à l’accident d’aviation de Montcony (chute en flammes d’un bombardier anglais le ....). De cet accident, j’avais pris à titre documentaire une photo du pillage des débris et une photo des cercueils couverts de fleurs et alignés dans la salle de classe de Montcony. J’avais en outre plusieurs photos des tombes fleuries (ces dernières photos faites avec des pellicules que Mr Vincent, instituteur à Montcony, m’avait prêtées). Elle froissa rapidement les photos en boule et vint dans la chambre m’apporter mes chaussures. A ce moment, l’allemand civil qui restait vers la porte d’entrée prononça d’une voix forte quelques mots en allemand probablement pour mettre en garde son collègue qui me surveillait. Ma femme, après m’avoir donné mes chaussures, s’en fut vers le petit lit de ma troisième fille (1 an) qui dormait, pour la recouvrir. Elle s’en fut ensuite inconsciemment vers la fenêtre ouverte, aux volets demi-clos et subitement trouvant l’occasion bonne pour faire disparaître les photos compromettantes, les jeta dehors. A ce moment, l’allemand en uniforme qui me surveillait et qui la surveillait aussi cria une phrase ou deux en allemand. Ces phrases furent répétées par le civil et une voix lui répondit du dehors. Je n’avais rien vu des allées et venues de ma femme, étant occupé à me chausser, mais en entendant répondre du dehors, je sus, ce dont je me doutais d’ailleurs, que la maison était surveillée.

Ma toilette terminée, nous sommes tous revenus dans la salle où nous avons vu dans l’embrasure de la porte un deuxième allemand en uniforme avec mitraillette et lampe électrique. Les trois allemands se mirent à parler entre eux. Ma femme songeant que j’avais ramené de Montcony quelques tracts italiens échappés de l’avion anglais après sa destruction et craignant que ces tracts fussent compromettants pour moi, s’en fut dans le cagibi, les prit rapidement, les roula en boule et les glissa dans sa manche, puis prenant une pomme dans un panier à côté, elle revint et la donna à Babette. Il était temps : le deuxième allemand en uniforme l’avait suivie mais n’était arrivé que pour lui voir prendre la pomme.

L’allemand en civil dit alors : « Descendez ». Ma cousine demanda :  « Nous aussi? » Il répondit : « Tout le monde. » Ma femme demanda : « Et la petite ? » en montrant la chambre à coucher où dormait Janine. L’allemand demanda :  « Elle dort ? » Ma femme répondit : « Oui. » Il dit alors : « Laissez-la. » Et nous descendîmes, en premier un allemand qui s’arrêta quelques secondes sous l’ampoule de l’escalier pour lire un papier semblable à une feuille de papier à lettres et écrit à l’encre noire, puis moi en second avec le 2e militaire et une mitraillette dans les reins, puis ma femme, mes deux filles aînées, ma cousine et Mme Gauthier suivies du civil.

Au bas de l’escalier, je fus poussé dans la classe de Melle Perney (classe sud) par les deux allemands en uniforme. Ma femme, mes filles, ma cousine et Mme Gauthier sortirent dans la cour où il ne faisait pas encore complètement nuit et le civil les surveilla en gardant la porte d’entrée. Elles virent alors l’auto qui avait amené les allemands : c’était une conduite intérieure dont le chauffeur, français, vint parler à l’interprète. Ils semblaient être tous deux très bons camarades.

Quant à moi, entré dans la classe de Melle Perney, je reçus brutalement l’ordre de m’asseoir à une table pendant qu’un des militaires me surveillait par derrière, mitraillette à la main et que l’autre (celui qui était entré le premier dans la maison et qui paraissait le plus jeune mais le plus élevé en grade) se promenait dans la classe, inspectant très minutieusement le parquet gondolé de cette classe et le frappant parfois du talon de sa botte pour en éprouver le son. Il fit demander à ma femme par l’intermédiaire du civil une barre de fer. Comme il n’y en avait pas dans la maison, ils durent se contenter de la petite hache de Melle Perney que ma femme s’en fut leur chercher sous le préau. Il continua alors son inspection et chaque fois qu’il croyait avoir trouvé une cachette (j’ignorais alors quelles étaient les accusations portées contre moi) il venait relever son camarade de sa garde derrière moi, lui indiquait l’endroit et l’autre, à coups de hache, allait faire sauter la parquet sur une largeur de plusieurs lames. Le travail paraissait pénible, le parquet étant formé par des lames de chêne emboîtées les unes dans les autres et fixées aux lambourdes par de gros clous rouillés. La sueur lui coulait sur le visage et il posa sa veste pour travailler plus à son aise. Les planches arrachées, ils examinèrent tous deux la terre se trouvant au dessous (les lambourdes semblent reposer directement sur la terre). Cette terre était très sèche, formées de petites mottes très dures et poussiéreuses. Elle ne paraissait pas avoir été remuée depuis la construction de la maison. Comme à ce moment, n’ayant plus la mitraillette dans le dos, je m’étais levé, je reçus immédiatement en allemand et en mauvais français l’ordre de me rasseoir, accompagné chez l’un de grands gestes et chez l’autre d’une menace de mitraillette. Ce que je fis et, sortant mon greffoir de ma poche, je me coupai les ongles. Ils firent ainsi quatre ou cinq trous dans le plancher sans résultat. Ils allèrent ensuite vers le bureau, le déplacèrent et basculèrent l’estrade contre le mur, puis le grand en bras de chemise, commença à faire sauter le parquet à l’endroit qui était sous le bureau. Ce faisant, tout en se démenant, il écrasait des petits oignons que j’avais étendus sur le sol pour les mettre à sécher. J’ai demandé alors à mon gardien et dont j’étais à peu près certain, à quelques indices, qu’il comprenait le français de bien vouloir appeler l’interprète. Ce qu’il fit aussitôt en allemand, ce pendant que le bûcheron s’arrêtait dans son travail espérant probablement des révélations sensationnelles. L’interprète apparut dans l’embrasure de la porte. Je lui fis remarquer que son camarade écrasait mes oignons et lui demandai de bien vouloir lui demander de les écarter. Il prononça quelques mots en allemand. Le militaire en bras de chemise rassembla rageusement mes oignons contre le mur avec ses pieds puis continua son travail. Le plancher fut arraché sur une largeur de deux planches et la terre examinée. Ils parlèrent entre eux, le grand allemand remit sa vareuse et reprit sa mitraillette qu’il avait posée sur une table à l’extrémité de la salle par rapport à moi. Ils allèrent tous deux sous la lampe électrique et examinèrent un papier portant une écriture noire faite à la main (probablement celui que j’avais déjà vu). Ils examinèrent ensuite quelques photos froissées et je fus très surpris à ce moment de reconnaître alors mes photos de Montcony car j’ignorais que ma femme les avait jetées par la fenêtre. Elles avaient été ramassées par le 2e allemand, le plus grand (et de grade le moins élevé) resté primitivement dehors. Je sus à ce moment qu’il y avait eu préalablement et pendant une de nos absences de la maison, une perquisition secrète faite chez moi, qui aurait amené la découverte de ces photos, ce qui aurait motivé mon arrestation et cette deuxième perquisition. Sur ces entrefaites, j’appelai l’interprète et lui demandai la permission de fumer. Après avoir échangé quelques mots, incompréhensibles pour moi, avec ses camarades, il m’accorda cette permission. Je lui dis alors que mon tabac était resté à la maison et lui demandai de bien vouloir me prêter une cigarette, lui faisant remarquer que cette cigarette lui serait rendue dès que nous serions remontés. Il me répondit : « Est-ce que vous vous rendez compte de l’insolence de votre demande, vous qui êtes un très dangereux chef de bande terroriste. » Je compris alors immédiatement la gravité des accusations qui avaient été portées contre moi et le danger de ma situation. Le militaire subalterne avec sa lampe électrique visita toutes les cases des tables d’élèves ainsi que tous les tiroirs du bureau pendant que l’autre remettait les documents (papiers et photos) qu’ils avaient consultés ensemble.

Ils me donnèrent l’ordre de me lever et me firent passer devant pour aller dans la classe suivante, celle du milieu, celle de ma femme. Il n’y avait pas de lumière dans cette classe, le bouton électrique étant cassé. Ils allumèrent leur lampe électrique et demandèrent de l’éclairage. Les femmes étaient restées dans la cour jusqu’au moment où il avait fait nuit et frais. Elles étaient alors rentrées dans le couloir et s’étaient assises, ma femme ayant Babette sur les genoux, ma cousine avec Anne-Claude et Mme Gauthier que les allemands avaient refusé de laisser partir, seule sur une chaise. Je dis à ma femme d’aller chercher ma torche électrique qui était dans notre chambre. Elle y fut, suivie de l’allemand en civil. Ce dernier crut probablement devoir expliquer sa conduite en disant :  « Je vous suis pour voir si vous voulez brûler des tracts. » Ma femme toujours sous le coup de l’émotion qu’elle avait eue en m’entendant traiter de terroriste ne comprit que : « …si vous voulez brûler des tracts » croyant par là qu’elle avait affaire à un français qui sous des apparences inamicales voulait pourtant lui donner la chance de diminuer les charges qui pouvaient être relevées contre moi. Elle fit quelques pas vers le « cagibi » pour voir s’il ne restait aucun des tracts italiens que j’avais ramenés de Montcony. Il la suivit et lui dit : « Qu’est-ce-que vous allez faire là-bas ? » Ma femme lui répondit : « S’il a des tracts, ce sont deux ou trois qui viennent de l’avion de Montcony, mais je crois qu’il les a détruits ». Elle comprit à ce moment qu’elle ne devait pas être en présence d’un français, comme elle l’avait cru tout d’abord, alla chercher la lampe, redescendit, la donna à l’allemand et se tint dans l’embrasure de la porte. Les allemands recommencèrent à examiner le plancher à la lumière des lampes électriques, à frapper du talon pour essayer de trouver des endroits qui sonnaient le creux et à faire sauter par endroits le plancher à coups de hache. J’étais assis à une table du fond et surveillé de très près. En les regardant faire, j’ai prononcé une phrase en allemand à propos de je ne sais plus quoi. Immédiatement les trois allemands se sont exclamés en allemand : « Il parle allemand » et le civil m’a dit : « Vous parlez allemand? » Il l’a aussi demandé à ma femme. Ils paraissaient très troublés et très inquiets. Je leur ai expliqué, et ma femme aussi qu’ayant fait la guerre au nord de l’Alsace, j’avais appris quelques mots pendant que nous étions au repos dans les villages non évacués. L’allemand en civil revint vers le couloir, sur le pas de la porte et les autres continuèrent leur perquisition. Ma femme continuant avec lui la conversation commencée au sujet de la langue lui dit : « Dans nos écoles normales, nous n’apprenons qu’une langue et mon mari et moi n’avons fait que de l’anglais. » Le civil répondit alors : « Mais madame, on peut parler plusieurs langues. » Ma femme lui dit : « Oui, vous parlez l’allemand. » Il répondit : « Mais madame, je suis allemand, si je n’étais pas allemand, je ne serais pas ici, je ne ferais pas ce métier ». A ce moment, les deux autres ayant trouvé un tube de verre plein de coton provenant d’une boîte en désordre de mon matériel d’enseignement, se mirent à l’examiner avec beaucoup d’attention. Je n’avais pas vu de quoi il s’agissait, étant assis sur une table du fond. J’entendis ma femme leur dire: « C’est du matériel d’enseignement, c’est du coton. » Je vis alors l’objet et compris de quoi il s’agissait. Je dis à ma femme : « Laisse-les donc, ils croient probablement que c’est du coton poudre, ils n’ont qu’à l’allumer, ils verront bien. » Le civil dut traduire et ils jetèrent l’objet pour continuer leur perquisition (fouille du parquet, des cases, du bureau, de l’armoire-bibliothèque). Ils s’arrêtèrent devant une pile de gros sacs en fort papier provenant du moulin de Sagy incendié et donnés après le sinistre par le propriétaire. Ils demandèrent ce que c’était et défirent la pile probablement pour voir si entre les sacs, il n’y avait pas de tracts dissimulés.

La perquisition n’ayant rien donné dans cette classe, nous passâmes, les deux militaires et moi dans la 3e classe, celle de Mme Guillemin située au nord du bâtiment. Ils me firent à nouveau asseoir à une table du fond et recommencèrent à sonder les parquets, faisant dans cette classe sauter le plancher en quatre endroits. Devant le poêle, l’ouverture ayant fait apparaître sous le plancher un morceau de charbon, l’allemand creusa avec la pelle à charbon pour voir si le terrain n’avait pas été remué. L’estrade du bureau fut déplacée, le bureau et le placard fouillés. La perquisition ne donnait toujours rien et je sentais que l’atmosphère commençait à se détendre. Je pus même me lever et faire quelques pas dans la classe sans être immédiatement rappelé à l’ordre d’une voix brutale comme cela s’était produit deux ou trois fois auparavant dans les autres classes.

L’inspection terminée, nous nous retrouvâmes dans le couloir. A ce moment, les allemands voulurent bien laisser partir Mme Gauthier. L’un des militaires descendit examiner la cave et ma femme lui dit : « Vous ne trouverez rien sauf quelques oeufs et deux ou trois morceaux de lard. » Le civil lui répondit : « Le marché noir ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire. » La perquisition en cave ne donna rien et nous montâmes dans le logement pendant que le grand poussait jusqu’au grenier d’où il redescendit bientôt bredouille et la perquisition du logement proprement dit commença par la salle. L’un des militaires se mit à l’armoire des petites, qui renfermait leur linge et un service de table. Les petits vêtements furent examinés assez sérieusement, les piles dérangées furent remises en ordre. La bibliothèque fut réservée au civil qui , après avoir examiné les titres des livres, en ouvrit quelques uns pour voir probablement si des tracts ou des mots n’étaient pas intercalés entre les feuillets. Il examina avec beaucoup de soin le journal de classe de ma femme et un cahier contenant les notes de service reçues cette année. Il regarda aussi quelques ouvrages illustrés de photographies (collection de Photo-conseils) mais plutôt par curiosité à ce qu’il m’a semblé. Le troisième allemand qui semblait être le chef continuait à nous surveiller.

Le militaire qui avait fouillé l’armoire des petites s’en fut ensuite dans la pièce servant de débarras pendant que son collègue civil continuait à vérifier la bibliothèque. Il en revint bientôt avec une boîte contenant des lettres (nos lettres de fiancés) et la posa sur la table. Le civil s’en empara et en lut plusieurs avec beaucoup d’attention. Le miliaire retourna dans le cagibi et en ramena une pile de notes militaires. Le civil et l’allemand qui paraissait le chef les lurent avec avidité. Le civil me demanda : « Qu’est-ce que c’est que çà ? » J’avais cru reconnaître des notes de l’Ecole de Perfectionnement de Beaurepaire. Je lui répondis : « Je suis officier de réserve. Avant la guerre, je dirigeais l’Ecole de Perfectionnement de sous-officiers. Ce sont mes notes. » Il me les rendit en disant : « Bon! Tenez. » Le militaire retourna dans le cagibi et en revint avec un gros rouleau de fil électrique isolé sous caoutchouc et gaine de teinte marron. Il avait l’air très satisfait de sa trouvaille que les autres considéraient avec une très grande curiosité. Le civil se retourna alors vers moi et me dit : « C’est du cordeau détonnant anglais, n’est-ce pas? » Je lui répondis en souriant cette fois : « Non, simplement du fil électrique d’avant guerre » et, sortant mon couteau de ma poche, je me mis à en décaper une extrémité et leur montrai le fil de cuivre. L’allemand emporta sa trouvaille puis revint avec une petite valise qu’il posa sur la table de la salle. Je fus alors très inquiet. Cette valise appartenait à un soldat de l’armée des Alpes qui, au moment d’être démobilisé, l’avait laissée chez ma belle sœur Marguerite, institutrice au Puy St André, dans les Hautes Alpes, en lui expliquant qu’habitant la zone interdite, il ne pouvait pas l’emmener et lui demandant de bien vouloir la déposer chez moi où il viendrait la chercher. Il n’était pas encore venu et j’avais complètement oublié cette valise. J’eus alors le soupçon que cette valise pouvait bien renfermer des armes, pistolet ou revolver avec leurs cartouches, ce qui suffisait à expliquer pourquoi son propriétaire n’avait pu la passer en zone interdite. Le civil précisément me demanda : « Cette valise renferme des armes ? » Je lui répondis :  « Cette valise appartient à un soldat qui l’a fait déposer chez moi en attendant de venir la chercher. On m’a assuré qu’elle ne contenait que des lettres. Si vous l’ouvrez, vous voudrez bien m’en donner décharge par écrit. » Celui qui paraissait être le chef prit alors une lame de couteau que j’avais fabriquée, en coupa les ficelles et fit sauter les deux serrures. La valise ouverte montra des lettres, du chocolat moisi, un nécessaire de toilette, une petite boîte et 6 paquets de tabac. Le civil lut quelques lettres. Le chef prit la boîte, l’ouvrit et il me sembla voir à l’intérieur deux boîtes de cartouches de pistolet. Ce n’étaient heureusement que des sachets de révélateur. Je respirai plus à l’aise. La perquisition dans le cagibi était terminée. L’atmosphère se détendait de plus en plus.

Les allemands passèrent ensuite dans la chambre des petites où était une penderie, le lit des deux aînées, le lit de ma cousine et une deuxième bibliothèque. Les lits furent défaits et les vêtements de la penderie examinés assez rapidement par les deux militaires pendant que le civil examinait la deuxième bibliothèque. Je lui fis remarquer qu’elle contenait surtout des livres de classe. Il en ouvrit plusieurs ainsi que quelques anciens cahiers de préparation, mais sans y prêter autant d’attention qu’au début. Pendant qu’il continuait l’inventaire de ma bibliothèque, les deux militaires allèrent fouiller dans notre chambre à coucher (lit et armoire). Ils revenaient dans la cuisine lorsqu’ils virent une toile de coton teinte en brun que ma mère avait donnée à ma femme pendant la guerre pour camoufler les lumières. Ils la déplièrent et le civil me dit : « C’est de la toile de parachute que vous avez fait teindre. » Je lui répondis : « Ce n’est pas de la toile de parachute. » Il me dit: « Pourquoi dites-vous que ce n’est pas de la toile de parachute ? » Je lui répondis : « C’est une toile qui servait à ma femme pendant la guerre pour camoufler les lumières, la toile de parachute ne ressemble pas à cela, Je sais ce que c’est, j’ai fait la guerre. » Le civil me dit alors : « A la mairie, on nous a dit que vous aviez de la toile de parachute. » Je lui dis : « Je n’ai pas de toile de parachute. Vous avez regardé dans les armoires et vous n’en avez pas trouvé, retournez chercher encore si vous voulez, mais vous n’en trouverez point, je n’en ai pas. » Ma femme alla ouvrir l’armoire de la chambre et leur dit : « Tenez, fouillez. » Les deux militaires se contentèrent de soulever et d’examiner rapidement ma pile de chemises. Le civil me dit : « Vous êtes accusé d’être allé réceptionner des armes parachutées. » Je lui dis: « C’est faux et de quoi m’accuse-t-on encore ? » Il me dit : « On vous accuse de faire des sorties suspectes et de recevoir des gens suspects. » Je lui répondis : « Il m’arrive d’aller le soir à la recherche d’une livre de beurre ; je vais aussi dans les bois chercher des champignons, je suis mycologue, vice-président de la Société mycologique de Chalon sur Saône, il se peut que ce soit là ce que l’on considère comme des sorties suspectes... Quant aux gens que je reçois, ce ne sont que des personnes parfaitement honorables. Vous n’avez qu’à faire une enquête sérieuse dans le pays à ce sujet, les différents témoignages que vous pourrez recueillir concorderont certainement. » Il me dit encore : « Vous avez fait des démolitions dans la maison. » Je réfléchis à ce que pouvaient bien être ces démolitions lorsque je me souvins que le maire s’était enfin décidé, sous la pression des autorités préfectorales, à faire ouvrir une porte de communication entre notre chambre et la chambre des petites. Je lui dis : « Oui, j’ai fait placer une porte, et je les menai dans la chambre où ils purent voir la porte neuve, vierge encore de peinture et les plâtres à nu tout autour. Ils se mirent alors à rire et l’interprète me dit encore : « Vous avez creusé dans les classes, on a entendu les coups. » Sur le moment, il ne me vint pas à l’idée que ces coups entendus pouvaient être ceux de Mme Guillemin fendant du bois le soir dans le couloir ou dans la cave. Je répondis seulement : « Vous avez pu constater, au cours de la perquisition que vous avez faite, que cette accusation était fausse. » Il me dit encore : « Vous avez mené vos élèves à Montcony et vous leur avez fait chanter l’hymne anglais. » Je lui dis : « Mes élèves ont en moyenne huit à neuf ans. J’ai beaucoup de mal à leur apprendre le français, il me serait bien difficile de leur apprendre l’anglais. Par ailleurs, leur transport à une quinzaine de kilomètres avec les moyens dont nous disposons aurait été assez difficile. D’autre part, l’enterrement a eu lieu un lundi et ce jour-là, j’étais dans ma classe, une enquête dans le pays vous le certifiera. Enfin, lui dis-je, il est probable que vos services de renseignements ont été alertés et ont pris des photos à cet enterrement. ― Certainement, me répondit-il. ― Eh bien! Étudiez-les et vous ne m’y trouverez pas. » Il demanda au militaire les photos des cercueils et des tombes des aviateurs anglais et me dit : « Pourquoi avez-vous pris ces photos ? » Je lui répondis : « Au moment où je les ai prises, il n’existait aucune défense, ni par affiches, ni par la presse, ni par pancartes interdisant de les prendre. Je suis membre de plusieurs sociétés d’histoire locale et en particulier de la Société d’histoire et d’archéologie de Chalon sur Saône et de la Société d’histoire de Tournus. La chute en flammes de cet avion a causé une grosse émotion dans la région et je me réservais après la guerre d’en faire un exposé à ces sociétés. J’ai pris ces photos à titre documentaire pour les joindre à mon exposé. » Ils parlèrent ensuite ensemble et l’interprète me dit : « Restez ici en nous attendant. » Et il s’en fut avec le militaire qui paraissait être le chef en nous laissant sous la garde du 2e militaire.

Je m’installai à la table de la salle pour lire un ouvrage de mycologie que j’avais reçu quelques jours auparavant. Le militaire s’assit sur le divan, sa mitraillette sur les genoux. Je lui demandai s’il voulait un livre. Il me demanda : « Un livre en allemand? » Je lui répondis :  « Non, je n’ai que des livres français. » Il fit un grand geste pour me faire comprendre que c’était inutile et me dit : « Non merci. » Au bout d’un moment, il prit une cigarette et m’en offrit une. Je me payai le luxe de la refuser en lui disant : « Non, merci, j’ai du tabac » et je bourrai ma pipe que je me mis à fumer en lisant. Ma femme avait couché les petites et était venue s’asseoir vers nous dans la salle. Il lui demanda alors à boire. Elle alla lui chercher un verre d’eau qu’il but. Après quelques instants de silence, il me demanda en pointant son index vers moi : « Vous, terroriste ? » Je répondis : « Non. » Il reprit : « Vous, gaulliste ? » Je répondis : « Non. » Il reprit encore : « Vous, terroriste ? » Je répondis : « Non. » Il demanda encore : « Quoi ? Alors. » Ma femme lui dit en me montrant : « Lui, français. » Je lui dis moi-même : « J’ai été faussement accusé, comprenez-vous, faussement, pas exact ? » Il me dit : « Ja... tous les jours, beaucoup lettres de mauvais français, sur cent.... quatre vingt dix pas correctes, pas signées ». Un silence suivit qu’il rompit en disant à ma femme : « Il faut lui préparer à manger et du linge. » Ma femme dit : « Vous voulez l’emmener ? » Il répondit :  « Je ne sais pas, ça dépend du chef... camarades partis voir chef. » Elle demanda : « Mais où voulez-vous l’emmener ? » Il répondit : « Prison. » Je demandai : « Où ? » Il eut l’air de chercher et ma femme lui dit : « Mâcon ? » Il fit non de la tête tout en continuant à réfléchir. Elle dit : « Lyon ? » Il répondit : « Non » tout en continuant à chercher. Je lui dis alors : « Lons le Saulnier ? » Il répondit : « Ja, Lons. » Je lui demandai :  « Pour combien de temps ? » Il répondit : « Peut-être longtemps, peut-être pas longtemps, peut-être pas du tout. » Ma femme cependant s’affairait, coupant du pain, enveloppant du fromage, entassant des chaussettes. Il regardait les différentes photos des petites pendues au mur et principalement celle de 1943 les représentant toutes les trois sur la même feuille et dit : « Mauvais, guerre... triste guerre... grand malheur... moi aussi trois enfants... ma femme toute seule à Berlin. » Puis me regardant, il dit en me montrant ses décorations : « Moi guerre 14 - 18 ... guerre 40 ... campagne de France ... » Je lui répondis : « Moi aussi, décoration », et j’envoyai ma femme chercher sur un de mes vestons ma décoration de la croix des Services militaires volontaires que je n’avais pas alors. Elle me l’apporta et je la passai dans ma boutonnière. Il la regarda attentivement et hocha la tête avec respect en disant : « Bien, bien. » A ce moment, nous entendîmes au dehors, par la fenêtre ouverte, un violent coup de sifflet dont je n’ai pas pu connaître la provenance. Je lui demandai: « Qu’est-ce que c’est ? » Il eut un geste d’ignorance et répondit : « Police française. » Au bout d’un moment, il me vint une idée, je me levai et l’invitai à me suivre dans la chambre. Il y a au-dessus de notre lit un crucifix. J’étendis la main vers lui et dit:  « Je suis faussement accusé. Nicht terroriste. » Il était devenu très sérieux et me répondit gravement en hochant la tête : « Ja, oui, oui » et nous retournâmes nous asseoir. Quelques instants après, on entendit des bruits de pas dans la cour. Il nous dit : « Vous, pas parler aux camarades, rien dire de ce que j’ai dit. » Nous lui promîmes. Il avait l’air d’un bon père de famille et il avait bien perdu de son arrogance du début.

Les camarades ouvrirent, d’un rapide coup d’oeil inspectèrent la pièce avant d’entrer, et une conversation très rapide s’établit entre eux. L’interprète, alors se retournant vers moi, me dit : « Exceptionnellement nous vous laissons en liberté, mais nous reviendrons vous voir de temps en temps, n’essayez pas de vous sauver. Vous êtes très surveillé. » Je lui dis : « Je n’ai rien à craindre, je ne vois pas pourquoi j’essaierai de partir, mais vous pouvez très bien venir un jour où je serai absent car je suis contrôleur de battages et précisément obligé de m’absenter. » Il me demanda : « On pourra vous trouver quand même? » Je lui répondis : « Certainement, je vis au grand jour et quoi qu’on ait pu vous dire, je n’ai pas à me cacher. » Il demanda alors : « Nous avons très soif, pourriez-vous nous donner à boire? » Je lui répondis : « Je n’ai que de l’eau à vous offrir. » Il dit : « C’est parfait » et nous passâmes dans la cuisine. Là, pendant que ma femme préparait les verres, je lui demandai : « Vous vous rendez compte que j’ai été accusé calomnieusement. Je vous demande donc, de bien vouloir me donner le nom de celui ou de ceux qui m’ont dénoncé pour que je puisse les poursuivre devant la justice de mon pays. » Il réfléchit alors et me dit : « Ce n’est pas une simple dénonciation ordinaire. Vous avez fait l’objet d’un rapport d’agent. Nous avons plusieurs agents à Sagy et à Sornay. Vous êtes très surveillés. Nous sommes assez loyaux envers eux et nous ne les livrons pas. Peut-être plus tard saurez-vous! ... » Il fit un geste dubitatif et nous passâmes à table pour boire. Là, chacun d’entre eux m’offrit une cigarette. J’en pris une, seulement au vieux militaire (à qui j’en avais primitivement refusé, dans la salle, pour lui montrer que je lui savais gré de son humanité, et n’en voulus pas accepter d’autres. C’était du tabac allemand alors que les deux autres m’avaient offert du tabac français. L’interprète me dit alors qu’ils aimaient beaucoup le tabac français et qu’ils échangeaient 1 paquet de cigarettes contre 1 kilo de sucre. Je le laissai parler. Brusquement il nous demanda : « Qu’avez-vous pensé quand vous nous avez vu entrer ? » Je lui répondis : « J’ai pensé que j’étais bon pour aller faire six mois ou un an de concentration en Allemagne, sans pouvoir donner de mes nouvelles à ma famille ». Il eut l’air très offusqué et me dit : « Oh! nous n’agissons pas ainsi, nous ne sommes pas des russes. Les russes, oui, font çà, mais pas nous. » Je lui dis : « Pourtant, je pourrais vous citer les noms de plusieurs personnes qui, sans avoir rien fait, ont été emmenées dans ces conditions. » Il réfléchit et me dit : « Ce devaient être des réfractaires au service du travail que nous avons privés de courrier en guise de punition, ou de personnes soupçonnées d’être des chefs de bande que nous mettons au secret. » Je ne répliquai que par un signe de doute et la conversation se poursuivit à bâtons rompus. Il nous dit : « Vous allez pouvoir vous coucher tranquillement, mais nous, il nous faut encore faire des perquisitions. Nous devons maintenant aller à Cuisery. » Ma femme lui répondit : « Eh ! bien, je souhaite que vous ne trouviez rien et que vous laissiez les gens tranquilles. » A ce moment, le vieux sortit les photos de Montcony de son portefeuille et regarda l’interprète et son camarade d’un oeil interrogateur. Une conversation s’établit entre eux et il tendit à ma femme les photos en lui disant : « Vous, madame, nerveuse. » Ils se levèrent et l’interprète me dit : « Ce n’est pas à nous qu’il faut en vouloir, vous qui êtes officier, vous devez comprendre que nous avons fait notre métier de soldats. » Je lui dis : « Oui, à votre place, j’en aurais fait autant, mais je voudrais bien que vous me donniez le nom du mauvais français qui m’a accusé. » Il ne répondit que par un geste d’impuissance, puis se tournant vers ma femme, il lui dit : « Nous vous demandons pardon de la mauvaise nuit que nous vous avons fait passer. Ce n’est pas à nous qu’il faut en vouloir. Nous n’avons fait que notre devoir. » Ils descendirent l’escalier et l’interprète dit encore : « Nous viendrons vous voir, en visite cette fois. » Ma femme lui répondit : « Si vous voulez, mais sans vos mitraillettes. » Il dit : « Nous sommes obligés de les avoir car nous ne sommes jamais en sûreté. » Je les suivis jusqu’en bas, ils montèrent dans l’auto et repartirent, après être allés tourner chez Oudard, en direction de Louhans. Il était 1 h 30 environ.                                                                                        

  Note 1 : Marie-Thérèse Volatier, dite Thétée, maintenant Marie-Thérèse Rouget.

Note complémentaire par Anne-Claude Renaud

Je me rappelle très bien cette nuit-là et il me reste en mémoire plusieurs détails que mon père n’a pas connu ou n’a pas voulu relater. Alors que mon père revenait de sa chambre après s’être habillé, l’interprète a fait remarquer : « Ce n’est pas la peine de vous faire si beau si vous saviez où on va vous emmener ». Ou encore, alors qu’il était assis dans la petite classe et que nous étions assises sur un banc sous les marronniers dans la cour de l’école de filles, nous avons entendu le bruit, familier pour nous, des seaux pendus au guidon du vélo de madame Petitjean qui revenait chez elle, à la mercerie, après être allée donner la nourriture à ses cochons comme elle le faisait chaque soir. Madame Gauthier l’a, alors interpellée :  « Valentine, va prévenir chez moi, il y a les allemands chez les Renaud et je suis retenue ici ». Ce qui fut fait comme se le rappelle fort bien Thérèse, sa fille. Ensuite, je ne sais comment la nouvelle s’est répandue dans Sagy, mais le lendemain matin, jeudi, jour de marché, commença très tôt un long défilé de visiteurs qui venaient assurer mes parents de leur sympathie.

Deux ans plus tard, le 22 septembre 1945, mes parents sont passés au Palais de Justice de Chalon où le juge d’instruction, leur montra H., ex-interprète de la patrouille allemande chargée de la perquisition. Il était en uniforme français mais mes parents le reconnurent immédiatement. Le 26 septembre, mes parents furent avertis par un télégramme du cabinet du juge d’instruction de Chalon-sur-Saône adressé à la mairie de Sagy (je cite) : « Prière inviter M. Renaud Claude, instituteur, Mme Renaud, Melle Marie Thérèse Volatier à se présenter à mon cabinet vendredi 28 septembre à 11 heures pour témoigner ». Ce jour là, ils sont confrontés avec l’ex-interprète. Ma mère s’étonne de le voir sous l’uniforme français alors qu’il lui avait déclaré être allemand lors de la perquisition .

En fait, c’était un lorrain qui s’était engagé dans les forces françaises de l’intérieur quand il avait senti que les allemands étaient perdus, il avait été retrouvé près de Royan. Lors de la confrontation, H. affirme à mes parents que leur dénonciateur est leur voisin Mr O. et que pendant la perquisition, le chef était chez lui ; quand il était venu rendre compte du résultat négatif de la perquisition, Mr O. avait insisté en affirmant : « Je suis sûr que Mr Renaud a des tracts et des armes. » Le juge d’instruction conseille à mon père d’en avertir le procureur. Ce qui fut fait. Le 4 décembre, mes parents se sont rendus par le car à Chalon pour témoigner au procès de H. Il y avait trois autres témoins concernant d’autres faits. H. a bénéficié des circonstances atténuantes en raison de son jeune âge (lorrain évacué à 14 ans, travaille à la feld-gendarmerie, avait 18 ans lors de la perquisition, a pris part à de brillantes actions du maquis à la pointe de Graves). La cour le condamne à six mois de prison, 5 ans d’indignité nationale et aux dépens.

Quant aux dénonciateurs, si la gendarmerie enquêta à ce sujet, je ne pense pas qu’il y ait eu procès à leur encontre ; à l’arrivée des Américains à Sagy, ils étaient en première ligne pour leur distribuer tomates et fruits en échange de boîtes de conserve.